Comment obtenir l’indemnisation de dommages résultant de travaux publics ou d’ouvrages publics ?

L’Etat, les collectivités publiques et les entreprises qui travaillent pour leur compte, telles les sociétés concessionnaires d’autoroutes, sont responsables des dommages causés par les ouvrages dont ils ont la garde ou par les travaux publics entrepris.

travaux publics

Toute victime d’un accident ou d’une gêne de quelque sorte dont l’une des causes peut être attribuée à un ouvrage public ou un travail public peut, si certaines conditions sont réunies, demander une indemnisation auprès de la personne publique ou de son cocontractant privé responsable.

Pour savoir si l’on est en mesure d’engager la responsabilité de l’administration et d’obtenir une indemnisation, il convient, au préalable de se poser plusieurs questions.

I. Le dommage provient-il d’un ouvrage public ou d’un travail public ?

Les dommages résultant d’un ouvrage public ou d’un travail public rassemblent des situations très diverses.

Différentes situations peuvent être distinguées.

Les dommages résultant de l’exécution de travaux publics

Aux termes de la jurisprudence administrative, constitue un travail public, « tout travail immobilier effectué par une personne publique ou pour le compte de celle-ci, dans un but d’intérêt général » (CE, 10 juin 1921, Cne de Montségur, Rec.573) ou dans le cadre d’un service public (T.C., 28 mars 1955, Effimief, Rec.617).

La même définition a été adoptée par la Cour de cassation (Cass. civ., 16 juillet 1936, Ville Marseille : S. 1936, 1, p. 326).

Cette hypothèse concerne les opérations réalisées sur un immeuble, pour le compte d’une personne publique, dans un but d’utilité générale.

Ainsi, il peut s’agir de travaux de voirie, d’enfouissement de réseaux, de travaux d’infrastructures et d’équipement comme la construction d’une nouvelle ligne de tramway ou de métro, d’une autoroute ou d’une voie de chemin de fer.

Les préjudices subis peuvent être visuels, sonores, olfactifs, matériels telles que l’apparition de fissures sur un immeuble voisin ou économiques dans les cas où le déroulement des travaux gêne l’accès à un commerce et entraîne une diminution de son chiffre d’affaire.

Les dommages résultant de l’existence même d’un ouvrage public

S’agissant de l’ouvrage public, le Tribunal des Conflits a exposé que ce dernier disposait de trois caractéristiques propres : celle d’immeuble, affecté à un but d’utilité publique et ayant subi un certain aménagement (T. Confl., 10 novembre 1900, Préfet des Bouches du Rhône c/ Espitalier : S 1901,3, p.33).

Par un avis contentieux d’assemblée, le Conseil d’Etat propose une définition similaire en précisant d’une part, qu’un ouvrage peut être qualifié d’ouvrage public par détermination de la loi et d’autre part, qu’un ouvrage public peut appartenir à une personne privée si elle est en charge de l’exécution d’un service public (CE, avis, 29 avril 2010, Époux Béligaud, n° 323179, Rec. CE 2010, p. 126).

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Tel est le cas lorsqu’un ouvrage appartenant à une personne privée a été matériellement incorporé à l’ouvrage public d’une personne publique et en devient une dépendance. Parce qu’il fait corps avec l’ouvrage public, il sera, par application de la théorie de l’accessoire, assimilé à un tel ouvrage.

Ainsi, les branchements particuliers d’eau, de gaz ou d’électricité sont généralement réalisés par un entrepreneur au profit du propriétaire riverain de la voie publique, et ils ne réunissent alors aucun des éléments des deux définitions des travaux publics (T. confl., 25 janvier 1982, Quintard : CJEG 1982, p. 307, note P. Sablière).

Seulement, après leur achèvement, ils s’incorporent à la voie publique et au réseau principal jusqu’au compteur de l’abonné et constituent des ouvrages publics (CE, sect., 22 janvier 1960, Gladieu : Rec. CE 1960, p. 52. – V. aussi T. confl., 28 avr. 1980, Arbey : CJEG 1982, p. 307, note P. Sablière).

La qualification publique des travaux ou d’un ouvrage ne dépend nullement de la nature privée ou publique du domaine sur lequel ils sont effectués (T. Confl. 24 octobre 1942, Préfet des Bouches du Rhône : Rec. CE 1943, p.318).

En outre, un ouvrage public peut parfaitement être réalisé par une personne privée à des fins d’intérêt général, comme le Tribunal des conflits l’a déjà jugé dans sa décision M.A.C.I.F (T. confl. 18 décembre 2000, req. n°3225)

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Les dommages concernés sont ceux qui, du fait d’un ouvrage public édifié, par sa seule présence, son exploitation ou sa mauvaise implantation, créent des désagréments de voisinage.

Il peut s’agir des préjudices visuels, sonores et de perte de valeur vénale dus à l’implantation d’infrastructures de transport (routes, voies de chemin de fer), mais également de préjudices résultant d’ouvrages publics inesthétiques (poteaux électriques par exemple, qui restent des ouvrages publics, même après le changement de statut d’EDF).

Les dommages résultant des modalités d’entretien ou de fonctionnement d’un ouvrage public

Cette hypothèse recouvre les défauts d’entretien, le mauvais fonctionnement d’un ouvrage public ou le défaut de signalisation d’un danger causé par un ouvrage.

Ainsi, peuvent engager la responsabilité de la personne publique la déformation d’une chaussée ou encore le défaut de signalisation d’un chantier en cours ou même le défaut d’entretien d’un escalier métallique dans une station de sport d’hiver lorsque ces éléments de fait ont été l’une des causes d’un dommage.

Les dommages résultant de l’inexécution d’un travail public ou de l’absence d’un ouvrage public

Dans cette dernière hypothèse, c’est l’inertie de la collectivité qui génère l’engagement de sa responsabilité.

Cette hypothèse couvre, notamment, les dommages causés aux riverains par le ruissellement d’eaux de pluie sur des voies publiques dépourvues de tout ouvrage d’évacuation des eaux pluviales.

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Le dommage résultant de travaux publics ou d’ouvrages publics peut ainsi être constitué, soit par une atteinte à une personne (atteintes corporelles après une chute), soit par une atteinte un bien (préjudices matériels et commerciaux subis par les exploitants d’un commerce).

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Le dommage peut également être qualifié d’accidentel, de temporaire ou de permanent :

  • Les dommages accidentels résultent d’un événement imprévu, imprévisible. Ainsi, la chute sur une chaussée déformée est qualifiée de dommages accidentels de travaux publics. Il en est de même de l’incendie d’une décharge qui, générant une épaisse fumée, entraîne un accident sur une route nationale.
  • Les dommages reconnus comme temporaires ou permanents seront ceux qui auront un caractère durable dans le temps. Les préjudices commerciaux tels que les diminutions de chiffre d’affaire, résultant de la proximité de travaux sur les voies publiques ou de grandes opérations d’aménagement, sont assimilés à des dommages temporaires de travaux publics s’ils sont constatés uniquement le temps des travaux et de dommages permanents s’ils perdurent ensuite.

Dans le cas d’un dommage permanent, ledit dommage peut être considéré comme évolutif ou non évolutif.

II. Quelle qualité avez-vous vis-à-vis de l’ouvrage ou du travail public en cause ?

Cette deuxième question est importante car elle détermine le régime juridique qui sera appliqué pour engager la responsabilité de la personne publique.

En effet, en matière de dommage accidentel il faut distinguer en fonction de la qualité de la victime par rapport à l’ouvrage ou au travail à l’origine duquel résulte le dommage.

Le participant

La victime peut être un participant c’est-à-dire une personne qui participait à la réalisation des travaux au moment du dommage (ouvrier, employé, entrepreneur).

L’usager

La victime peut être un usager de l’ouvrage c’est à dire la personne qui l’utilise de façon personnelle et directe.

Le seul fait de bénéficier d’un ouvrage ne confère pas pour autant la qualité d’usager : dans le cas des réseaux d’évacuation des eaux pluviales ou d’assainissement, l’administré n’a la qualité d’usager qu’à l’égard de son branchement particulier, mais demeure tiers à la canalisation principale et au reste du réseau d’évacuation.

En matière de travaux, la victime peut être considérée comme usager si elle est bénéficiaire des opérations de travaux publics lui ayant causé un dommage peu importe qu’elle ait réclamé ces travaux ou pas.

Le tiers

La victime « tiers » quant à elle est celle qui n’utilise pas l’ouvrage public à la date de l’accident.

Par exemple, le piéton qui chute dans une excavation réalisée dans le cadre d’un chantier de construction d’une ligne de tramway à la qualité de tiers à l’égard du chantier.

De même, le riverain d’une ligne de TGV ou d’une autoroute peut subir des préjudices sonores et visuels, ainsi qu’une perte de valeur vénale de son bien, en raison de la présence de l’ouvrage public.

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Dans certaines situations il est difficile de distinguer entre la qualité de tiers et d’usager, il est nécessaire d’examiner les faits au cas par cas.

III. Quel régime s’applique à vous ?

Quel que soit le régime spécifique applicable, il sera nécessaire, à titre liminaire, d’établir la preuve de :

  • La réalité des préjudices subis :

En cas de préjudices corporels, une attestation par un médecin ou, en cas de préjudices conséquents, une expertise médicale évaluant l’étendu de vos préjudices sont indispensables.

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En cas de préjudices matériels, des photographies, un constat d’huissier ou des documents comptables permettant d’établir la diminution d’un chiffre d’affaire sont également nécessaires en matière de preuve.

Ces éléments peuvent justifier de recourir à un référé constat d’urgence ou à une procédure de référé expertise pour faire constater contradictoirement, et de façon impartiale par un expert judiciaire, la réalité et l’étendue des préjudices subis.

  • Le lien de causalité :

Il est impératif d’établir l’existence du lien de causalité entre l’ouvrage public ou les travaux publics en cause et les préjudices subis.

La preuve de ce lien de causalité peut s’avérer difficile.

Aussi, il est important de ne pas la négliger en procédant à des analyses, des constats d’huissier ou des attestations de témoins, et au besoin à une expertise judiciaire.

La suite du régime juridique applicable dépend entièrement de la qualité que la victime acquiert vis-à-vis de l’ouvrage.

Si vous être participant à un travail public lors d’un dommage accidentel : régime de responsabilité pour faute

Dans cette hypothèse, en plus de prouver la réalité de vos préjudices et le lien de causalité, il vous sera nécessaire de prouver une faute de la part de la personne publique responsable ou de la personne privée étant intervenue ou agissant pour son compte.

Ce régime ne s’applique pas en revanche si vous êtes qualifié de collaborateur occasionnel du service public.

Si vous êtes usager de l’ouvrage ou des travaux lors d’un dommage accidentel : régime de responsabilité pour faute présumée

Ce régime de responsabilité nécessite également que l’administration mise en cause ait commis une faute : on parle de responsabilité pour « défaut d’entretien normal de l’ouvrage ».

Toutefois, cette faute étant présumée, la victime n’a donc pas besoin d’en apporter la preuve.

L’administration pourra néanmoins se défendre en apportant la preuve qu’elle a correctement entretenu l’ouvrage à l’origine du dommage et qu’elle n’a donc commis aucune faute (voir par exemple, Cour Administrative d’Appel de Nantes, 9 novembre 2018, req. n°17NT00481 et req. n°17NT00507).

Si vous êtes face à un dommage permanent ou temporaire ou si vous êtes tiers à l’ouvrage lors d’un dommage accidentel : régime de responsabilité sans faute

Ce régime s’applique :

– en cas de dommage permanent ou temporaire
– en cas de dommage accidentel si vous avez la qualité de tiers par rapport à l’ouvrage.

Dans cette hypothèse la collectivité est responsable même sans l’existence d’une faute.

La difficulté réside dans le fait qu’il vous sera nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice anormal et spécial.

Sur le préjudice anormal

Le préjudice anormal est un préjudice qui excède les inconvénients normaux que l’on peut habituellement attendre que vous supportiez compte tenu de l’intérêt général de l’ouvrage en cause (voir, par exemple, Cour Administrative d’Appel de Nantes, 21 octobre 2016, n°15NT01272).

Par exemple, le voisin d’un ouvrage public peut demander une indemnisation du fait des troubles de voisinage générés par lui, comme les bruits, les odeurs, l’humidité, à la double condition que la gêne soit réellement importante et que l’ouvrage ait été implanté postérieurement à l’acquisition de sa propriété.

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Toutefois, le dommage n’est pas considéré comme anormal si la victime s’y est exposée en connaissance de cause, autrement dit si le dommage était prévisible.

Aucune indemnité ne peut alors être accordée.

La jurisprudence considère que si la construction, la mise en fonctionnement ou la modification des conditions de fonctionnement de l’ouvrage public source d’un dommage est antérieure à l’acquisition, la construction ou la location du bien qui subit le dommage alors celui-ci ne doit pas être considéré comme anormal pour la simple raison que la victime devait savoir à quoi elle s’exposait (CE, 4 juillet 1980, Seita et Époux Lecourt : Rec. CE 1980, p. 924).

A cet égard, le juge administratif se place avant le démarrage des travaux, à compter même de la déclaration d’utilité publique pour apprécier si l’intéressé devait connaître le projet de travaux envisagé à proximité d’un commerce (CAA Nancy, 14 mars 2013, Société Quality Voyage, req. n° 12NC00940).

De plus, dès lors que le requérant a sciemment le choix d’installer sa résidence à proximité d’un ouvrage public, il ne peut demander une indemnisation liée à sa présence (CAA Paris, 12 décembre 1991, MM. Pascal et Maurice X, Req. n°89PA01584 ou CE, 31 janvier 1968, Société d’économie mixte pour l’aménagement et l’équipement de la Bretagne et autre, n°70891).

Sur le préjudice spécial

Le préjudice spécial se définit comme le préjudice qui ne concerne qu’une personne ou un nombre limité de personnes.

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En matière de préjudice commercial, un préjudice peut être qualifié d’anormal et spécial si les travaux incriminés ont rendu l’accès à un commerce particulièrement difficile pendant une durée prolongée, ou s’ils entraînent une privation totale d’accès. Il en est de même lorsqu’un hôtel ou un restaurant sont privés de vue par la construction d’un ouvrage public.

Pour être démontré, le préjudice doit s’accompagner d’une baisse du chiffre d’affaire ou d’une diminution effective de l’activité en lien avec les travaux litigieux.

IV. Qui est responsable ?

Avant de vous adresser au juge administratif, seul compétent en matière de dommages qualifiés de travaux publics, il vous faut impérativement, et ce depuis le 1er janvier 2017, adresser une demande préalable d’indemnisation à la personne responsable.

Dans ce courrier, il faut demander directement, dans un premier temps, à la personne responsable la réparation de vos préjudices.

Ce n’est qu’en cas de refus, qu’il soit explicite ou implicite, et dans un délai de deux mois que vous pourrez saisir le tribunal administratif compétent d’un recours indemnitaire.

Pour cela il est nécessaire d’identifier quelle est la personne susceptible d’être responsable.

Personnes publiques

En principe, la personne responsable est le maître de l’ouvrage, c’est-à-dire le plus souvent la personne publique propriétaire qui a la charge de l’entretien de l’ouvrage.

Dans cette hypothèse il est nécessaire d’être vigilant à la personne publique en cause qui peut être l’Etat, la région, le département, une commune, un établissement public, etc.

Par exemple, la responsabilité résultant d’un défaut d’aménagement des routes nationales ou départementales traversant une agglomération incombe à la personne publique propriétaire, l’Etat ou le département selon les cas.

Concessionnaires

Il arrive qu’une personne publique délègue à une société privée la construction et ou l’exploitation d’un ouvrage public.

Lorsque seule l’exploitation de l’ouvrage a été déléguée, les dommages imputables au fonctionnement d’un ouvrage public entraîneront la seule responsabilité de la société privée gestionnaire, hors cas d’insolvabilité.

La responsabilité de la personne publique ne pourrait être engagée qu’en cas d’insolvabilité de la société : dans ce dernier cas, les dommages causés par l’existence, la nature ou le dimensionnement de l’ouvrage restent à la charge de la personne publique délégante.

Lorsque l’exécution de travaux a été déléguée à une société privée dans le cadre d’un contrat de concession, les dommages causés par ceux-ci engage la seule responsabilité de la société hors cas d’insolvabilité.

Entrepreneurs

Lorsque les travaux sont exécutés par un entrepreneur pour le compte d’une personne publique ou d’un concessionnaire et que celui-ci cause un dommage, alors la victime à le choix de poursuivre soit l’entrepreneur soit le maître d’ouvrage soit les deux solidairement.

V. La prescription est-elle acquise ?

Pour que l’action puisse être intentée, il faut, en principe, conformément à la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale, que la demande indemnitaire préalable soit envoyée dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle le dommage a été constaté.

Dans un arrêt du 6 novembre 2013, n°354931, le Conseil d’Etat a rappelé que le délai de cette prescription quadriennale courait à compter de la date à laquelle les préjudices sont connus et pouvaient être exactement mesurés : dans le cas de la réparation d’un préjudice permanent à caractère évolutif, le délai de prescription peut n’avoir pas encore commencé à courir.

La distinction entre dommages évolutifs et non évolutif peut donc s’avérer très utile pour s’assurer que le délai de 4 à 5 ans est, ou non, expiré.

Dans ce dernier arrêt, la privation de vue résultant d’un ouvrage public a été considérée comme un préjudice permanent non évolutif, tandis que le bruit d’une pompe à chaleur était permanent et évolutif : l’action indemnitaire était prescrite dans le premier cas, mais pas dans le second.

VI. Quel est le juge compétent ?

Compétence de principe du juge administratif

En vertu de l’article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII, les litiges afférents soit à un marché de travaux publics, soit à un dommage de travaux publics (celui-ci pouvant trouver son origine dans l’exécution d’un travail public ou dans l’existence ou le fonctionnement d’un ouvrage public) sont exclusivement attribués à la juridiction administrative.

Malgré l’abrogation de cet article par l’article 7, IV,11° de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de confirmer la compétence de la juridiction administrative en la matière (CE, 7 août 2008, Société anonyme de gestion des eaux de Paris, Req. n°289329 ; plus récemment : CE, 9 décembre 2011, Commune d’Ales, Req. n° 342283).

Le Tribunal des Conflits en a fait tout autant (T.C., 28 mars 2011, cne de la Clusaz, Req. n° C3773, T.Rec).

La juridiction administrative est donc, en principe, seule compétente pour connaître des actions tendant à la réparation des dommages de travaux publics, quel que soit le défendeur, entrepreneur, concessionnaire, personne publique (CE, 18 novembre 1832, Préfet Doubs : Rec. CE, 1re série, vol. 5, p. 240).

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A travers la notion de dommage de travaux publics qui revêt un caractère attractif (CE, sect., 11 janvier 1957, Sté le Palace : Rec. CE 1957, p. 30), il faut entendre indifféremment le dommage causé par un ouvrage achevé ou par un travail en cours d’exécution.

En conséquence, la distinction entre ouvrage public et travail public est sans portée au plan des règles de compétence.

La juridiction administrative connaît à la fois des dommages dus à un ouvrage (achevé, en cours d’exécution, à l’état de projet ou qui aurait dû exister) ou aux travaux de construction et d’entretien de cet ouvrage (effectués ou qui auraient dû l’être).

Par ailleurs, il est intéressant de relever que tant le Tribunal des Conflits que le Conseil d’Etat considèrent « que l’implantation, même sans titre, d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration » (T. confl. 17 juin 2013, M. Bergoend c/ Société ERDF Annecy Léman, n° C3911) et que par conséquent la juridiction administrative est compétente pour statuer en la matière.

Compétence résiduelle du juge judiciaire

Le juge judiciaire est en revanche compétent en cas de voie de fait c’est-à-dire dans les cas où l’administration a pris une décision manifestement insusceptible de se rattacher à ses pouvoirs causant une atteinte à une liberté individuelle ou à l’extinction totale du droit de propriété.

Cette hypothèse demeure rare : comme vu précédemment le simple empiétement ou l’atteinte partielle au droit de propriété n’entraîne plus la compétence du juge judiciaire depuis l’arrêt du 17 juin 2013 du tribunal des conflits.

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En outre, le juge judiciaire est également compétent dans les hypothèses où la victime au moment de l’accident n’est pas seulement usager de l’ouvrage mais usager d’un service public industriel et commercial.

Par exemple, une personne se rendant dans une gare pour prendre le train est considérée comme un usager d’un service public et commercial. Partant, dans le cas d’un accident, le litige est de la compétence du juge judiciaire. Il n’en serait pas de même si elle était venu à la gare pour un autre motif, telle la fête du centenaire de la création d’une ligne (CE, sect., 24 novembre 1967, Dlle Labat, req. n°66729).

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Par ailleurs, la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public prévoit également la compétence du juge judiciaire en cas de dommage causés par un véhicule. (T. confl. 17 nov. 2014, Société France Télécom UI Alsace Lorraine c/ Société Aximum, n°c3966).

Compétence possible du juge pénal

Enfin, en cas de mise en cause pénale de l’entrepreneur dans l’hypothèse où le fait dommageable est constitutif d’un délit pénal la victime ou ses ayants droits peuvent librement porter leur action en réparation devant le tribunal administratif ou se constituer partie civile et se joindre à l’action publique dont le tribunal répressif qui est saisi.

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Le contentieux des dommages de travaux publics ou d’ouvrage public est un contentieux qui recouvre une multitude de situations et d’hypothèses.

Les conditions qui doivent être remplies pour permettre une indemnisation sont d’un maniement délicat.

L’aménagement des modes de preuve est également primordial pour obtenir la réparation des préjudices subis.

Si vous vous y trouvez confronté, il est nécessaire de vous poser les bonnes questions, puis de prendre contact avec un avocat avant d’engager un recours indemnitaire préalable, puis de déposer une requête indemnitaire devant le Tribunal Administratif.

Hubert VEAUVY, Avocat
Quentin PARÉE, Avocat
Bernard RINEAU, Avocat Associé