Influenceurs et entreprises : contractualisez vos relations !

4 milliards... C’est le nombre de personnes utilisant les réseaux sociaux quotidiennement à l’échelle mondiale, et ce, en moyenne deux heures et demie par jour.

influenceurs

En France, TikTok représente 14,9 millions d’utilisateurs par mois, quand Instagram en enregistre 22 millions, largement devancée par YouTube, avec ses 40 millions d’utilisateurs mensuels au cours de cette année 2022.

À l’ère du numérique, les réseaux sociaux constituent inexorablement, pour les entreprises, de nouveaux modes de communication marketing et commerciale leur offrant une visibilité grandissante ou renforcée via, notamment, les influenceurs.

Instagram, TikTok, YouTube, Facebook, Twitter ou encore Snapchat deviennent alors de véritables outils de publicité, comme le qualifie la Cour de cassation[1].

S’agissant de l’influenceur, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) le définit comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie »[2].

La Cour d’appel de PARIS (arrêt du 10 février 2021) le définit, elle, comme « une personne active sur les réseaux sociaux, qui par son statut, sa position ou son exposition médiatique est capable d’être un relai d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing »[3].

En d’autres termes, l’influenceur est un transmetteur entre l’entreprise et sa communauté d’abonnés ou de potentiels consommateurs.

Malgré les enjeux financiers, commerciaux et marketing sous-jacents, le contrat entre l’entreprise et l’influenceur est souvent accessoire, de sorte que les litiges sont fréquents et compliqués à dénouer compte tenu des différents droits qui s’enchevêtrent.

Le présent article s’inscrit dans une volonté de présenter les spécificités de la rédaction d’un contrat conclu avec un influenceur, lorsque celui-ci intervient en tant que prestataire de services (I), ainsi que les intérêts de formaliser ces relations contractuelles (II).

Aperçu des spécificités contractuelles des relations entre un influenceur prestataire de services et une entreprise

Les relations entre un influenceur et une entreprise ne font pas l’objet d’un régime juridique propre.

Cependant, ces dernières présentent des spécificités au regard de la qualité des parties et de l’objet du contrat, notamment quant aux obligations des parties.

Un contrat intuitu personae

Le contrat conclu entre une entreprise et un influenceur est un contrat intuitu personae ce qui signifie que ce contrat est conclu en considération de la qualité des parties.

L’influenceur est choisi par l’entreprise en raison de sa personnalité et l’entreprise a un intérêt légitime à ce que la promotion de produits ou services qu’elle commercialise soit assurée par ce dernier.

Partant, la personnalité, l’image, le travail, les compétences, la créativité de l’influenceur, mais également sa communauté sur ses réseaux sociaux, son nombre d’abonnés (ou « followers »), de « vues », de « likes », de « partages » constituent des éléments déterminants dans le choix de l’entreprise.

Réciproquement, l’influenceur, en tant que prestataire de services, accepte de promouvoir les produits ou services d’une entreprise dont l’image, l’esprit et les valeurs qu’elle véhicule sont généralement en adéquation avec les siennes.

Ainsi, le contrat conclu entre un influenceur et une entreprise repose très souvent sur les qualités des parties et la confiance mutuelle qu’ils se portent.

La création de contenu, objet de l’obligation contractuelle de l’influenceur

L’influenceur a pour obligation essentielle la création de contenu destiné à promouvoir la marque, les produits (objets, vêtements…), ou les services d’une entreprise.

La création de contenu prend généralement la forme de publications, de « post » c’est-à-dire de photos, de vidéos accompagnées de textes, de prises de parole sur les comptes des réseaux sociaux de l’influenceur.

Il est ainsi nécessaire de déterminer précisément, au sein du contrat, cette prestation caractéristique, notamment dans ses modalités d’exécution.

L’influenceur, prestataire de services, bénéficie d’une très grande liberté créative dans la publication de ce contenu, sous réserve de ne pas porter atteinte à l’image de l’entreprise et de respecter les principes de protection de la vie privée et de non-discrimination.

Ces publications doivent être accompagnées de liens renvoyant à la marque ou à l’entreprise ainsi que des « hashtags ou # » faisant référence à des mots clés.

La rédaction d’un contrat permettra de définir clairement la prestation attendue, le nombre de publications, leur fréquence, le calendrier de publication de ces dernières, les supports utilisés ou encore leur nature.

La rémunération de l’influenceur

La rémunération de l’influenceur présente, elle aussi, des spécificités tenant à la nature de la prestation effectuée.

Ainsi, l’influenceur peut être rémunéré en nature par la fourniture de produits de l’entreprise pour laquelle il crée du contenu (tels que des vêtements, des produits de beauté, des accessoires), en fonction du secteur d’activité de cette dernière, ou encore par le prêt d’un de ses produits qu’il va pouvoir utiliser.

S’agissant d’une rémunération en numéraire, cette dernière peut être définie notamment en considération du contenu créé, du nombre de livrables (photos, vidéos…), de l’existence des « codes promo », du nombre de ventes enregistrées, des commissions, etc…

Il existe également un large panel de possibilités, s’agissant des modalités de règlement (avant ou après la création et la publication du contenu, périodique, fixe, commissions…).

L’identification précise du partenariat à caractère commercial, et l’absence de caractère trompeur des publications

La Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 ainsi que les Recommandations de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité renvoyantaux dispositions générales du Code de la Chambre de Commerce Internationale sur la publicité et les relations commerciales (et plus particulièrement son article 7), prescrivent que les communications commerciales et publicitaires doivent être clairement identifiables[4].

Dans la mesure où la publication de contenu destiné à promouvoir les produits ou services d’une entreprise en contrepartie d’une rémunération de l’influenceur s’analyse en un partenariat à caractère commercial, un principe de transparence et de loyauté du message s’impose, en lien avec le texte précité.

En effet, le contenu publié par l’influenceur destiné à promouvoir les produits ou services d’une entreprise s’adresse à des consommateurs.

En conséquence, l’existence du partenariat commercial entre l’influenceur et l’entreprise doit apparaître dans le contenu publié sur ses réseaux sociaux afin que les destinataires en aient une parfaite connaissance.

Cette identification doit être explicite, claire, précise et instantanée : dès lors, le caractère commercial doit être annoncé de manière intelligible pour le consommateur auquel il s’adresse, et être suffisamment visible au sein de la publication.

Par exemple, ce partenariat pourra être identifié par les mentions « sponsorisé par @ », « #sponsorisé », « en partenariat avec @ » (étant précisé que les mentions « ad » ou encore « sp » ne sont pas considérées comme suffisamment claires et précises).

Les intérêts d’une contractualisation formelle : protection et anticipation

Le pilier des relations entretenues entre un influenceur et une entreprise réside dans la confiance mutuelle que l’un se porte à l’autre.

La rédaction d’un contrat permet donc de formaliser et régulariser cette confiance qui en constitue la raison d’être.

À tout le moins, cette confiance se retrouvera dans l’équilibre contractuel recherché dans la rédaction des clauses.

Par ailleurs, la rédaction d’un contrat a pour objectif d’anticiper les difficultés pouvant intervenir au cours de son exécution.

Outre les spécificités exposées précédemment, le contrat conclu entre un influenceur et une entreprise déterminera précisément sa durée et les modalités et conséquences de sa résiliation, la confidentialité des informations, les conditions de modification dudit contrat, la répartition des responsabilités ou encore le règlement des litiges.

La rédaction d’un tel un contrat permettra, par exemple, d’organiser une exclusivité pour l’entreprise sur certains de ses produits, l’influenceur devant alors s’abstenir de publier des photos ou vidéos sur ses réseaux vantant les mérites d’un produit concurrent.

Qui plus est, il représente à la fois une protection pour l’influenceur et réciproquement, pour l’entreprise.

Pour l’influenceur, la protection de ses droits de propriété intellectuelle constitue par exemple une autre spécificité affectant directement les relations entre un influenceur et une entreprise.

En effet, le cœur du contenu réalisé par l’influenceur et les considérations au regard desquelles il a été choisi par l’entreprise afin de promouvoir sa marque ou ses produits résident dans sa personnalité, son image, ses opinions et sa créativité.

Partant, un contrat écrit formalisera les cessions des différents droits de propriété intellectuelle dans leurs durées et étendues outre celles des droits touchant à la personnalité de l’influenceur (image, voix…).

S’agissant de la protection de l’entreprise, le contrat pourra notamment prévoir des clauses permettant de sanctionner tout comportement préjudiciable de l’influenceur tel que :

  • des publications diffamatoires portant atteinte à l’image de l’entreprise ;
  • des publications constituant une publicité trompeuse ou mensongère ;
  • le non-respect des délais de publication du contenu ;
  • la création de contenu d’une durée trop brève (à l’exclusion des stories)…

François CHOMARD, Avocat associé

Léa DIMECH, Avocat


[1] Civ., 1ère, 3 juill. 2013, n°12-22.633. 

[2] ARPP, Recommandation « Communication publicitaire digitale » du 3 avril 2017.

[3] CA PARIS, Pôle 5, Chambre 15, 10 févr. 2021, n°19/17548.

[4] Article 20 de la Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; ARPP, Recommandation « Communication publicitaire numérique » version 5 entrée en vigueur, le 1er janvier 2022.