La holding animatrice de groupe : prise de position du Conseil d’État

Par une importante décision de principe du 13 juin 2018, le Conseil d’Etat réuni en formation plénière définit pour la première fois la notion de « holding animatrice » et présente de façon opportune les indices permettant de démontrer le caractère animateur d’une société holding.

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L’enjeu de cette définition est reconnu dans la mesure où la notion de société holding animatrice a de fortes implications fiscales notamment en matière :

  • De mutation à titre gratuit dans le cadre du dispositif « pacte Dutreil » (abattement de 75% sur les transmissions par donation ou succession de titres de sociétés) ;
  • D’impôt sur la fortune immobilière dans le cadre de l’exonération des biens professionnels et des immeubles ;
  • D’impôt sur le revenu (réduction « Madelin ») et des plus-values mobilières (départ à la retraite du dirigeant).

I. Le contexte

Des actionnaires ont cédé le 1er décembre 2006 les titres qu’ils détenaient dans la société holding Cofices. La société holding Cofices avait une activité mixte dans la mesure où l’animation de sa filiale opérationnelle n’était pas sa seule activité. En effet, elle gérait aussi un important patrimoine financier et détenait une SCI, propriétaire de locaux d’habitation loués à la famille du dirigeant.

Les actionnaires ont estimé que la plus-value résultant de la cession des titres de la société Cofices était exonérée d’impôt en application de l’abattement pour durée de détention prévu par les articles 150-0 D ter et 150-0 D bis du Code Général des Impôts (CGI) en vigueur à cette époque.

L’administration fiscale a contesté l’application de l’abattement pour durée de détention considérant que la société Cofice n’avait ni « une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière » ni « pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant les activités précitées ».

Le tribunal administratif de Rennes et de Paris ont suivi la position de l’administration en considérant que la société Cofices n’avait pas de façon continue exercée un rôle de holding animatrice au cours des cinq années ayant précédé la cession.

Les cours administratives d’appel de Nantes et Paris ont également suivi la position des juges de première instance en considérant toutefois que l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter du CGI ne s’appliquait pas, en 2006, aux holdings animatrices.

Le Conseil d’Etat censure les arrêts rendus

II. La définition de la holding animatrice de groupe : le principal

Par sa décision de principe, le Conseil d’Etat indique que :

« Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe ».

A première vue, la définition donnée par le Conseil d’Etat ne s’éloigne pas des critères actuellement retenus par la loi (article 966 du CGI) et la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°50).

Toutefois, le Conseil d’Etat précise que l’activité d’animatrice doit être exercée à titre principal. L’ajout de ce terme est l’apport essentiel de l’arrêt. En effet, il en ressort qu’une société holding peut être animatrice bien qu’elle détienne une participation minoritaire dans une société non animée.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat a considéré que la société Cofices était une société holding animatrice sachant que la valeur vénale de la société opérationnelle représentait 56,2% de son actif brut total.

En d’autres termes, il ressort de cette position que :

  • Une holding mixte détenant une participation non animée minoritaire peut être considérée comme étant une holding animatrice.
  • Le caractère de holding animatrice est reconnu pour l’intégralité des participations (absence de sectorisation).
  • Que l’importance respective des participations peut être déterminée selon le critère de l’actif brut apprécié par référence aux valeurs vénales.

III. Les indices démontrant le caractère animateur de la holding : l’effectivité

De façon opportune, le Conseil d’Etat donne également les indices permettant de démontrer le caractère animateur de la holding. Dans sa démarche, le Conseil d’Etat s’attache au rôle effectif de la holding et retient un régime de preuve objective.

A ce titre, il relève que :

  • La société holding détenait 95% du capital de sa filiale ;
  • Le PDG de la société holding était également celui de sa filiale ;
  • Des personnalités qualifiées indépendantes, spécialisées dans le secteur d’activité de la filiale étaient membres du conseil d’administration de la société holding ;
  • Les procès-verbaux de conseils d’administration de la holding témoignaient d’actions concrètes à l’égard de sa filiale qui allaient au-delà des attributions propres d’un actionnaire ;
  • La société holding avait conclu une convention en matière administrative, en matière de stratégie et de développement précisant que la holding participerait activement à la stratégie et au développement de sa filiale.

Sous réserve que le législateur n’ait pas une appréciation différente de la notion de holding animatrice s’agissant de certains textes, la définition de holding animatrice donnée par le Conseil d’Etat paraît pouvoir s’appliquer de façon générale aux articles du CGI.

Marc TEGNÉR, Avocat
Bernard RINEAU, Avocat Associé