RÉGULARISER VOTRE CONSTRUCTION IRRÉGULIÈRE: C’EST POSSIBLE

"Le permis de construire est une autorisation d’urbanisme concernant, notamment, les constructions nouvelles emportant la création de plus de 20 m² de surface de plancher ou d’emprise au sol ".

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Le permis de construire est une autorisation d’urbanisme concernant, notamment, les constructions nouvelles emportant la création de plus de 20 m² de surface de plancher ou d’emprise au sol : cela concerne votre construction principale, mais également ses annexes, notamment les abris de jardin, de piscine ou encore les garages[1].

En outre, certaines extensions de construction existantes sont conditionnées à l’obtention d’un permis de construire en fonction de la surface de plancher créée[2].

Enfin, les changements de destination d’une construction existante peuvent également être soumis à l’obtention d’un permis de construire si cela entraîne une modification de la structure porteuse ou de la façade de la construction[3].

En tout état de cause, votre demande de permis de construire sera instruite au regard des règles d’urbanisme applicables sur votre commune : il est indispensable de prendre connaissance des documents du plan local d’urbanisme en vigueur afin d’anticiper et d’éviter de se lancer dans un projet qui ne pourra voir le jour.

Toutefois, il arrive couramment que des constructions soient effectuées sans qu’aucun permis de construire n’ait été délivré, ou sans respecter les dispositions du permis de construire octroyé : des solutions existent pour régulariser ces situations.

VOUS AVEZ EFFECTUÉ DES TRAVAUX SANS PERMIS DE CONSTRUIRE

Les travaux de construction sans autorisation d’urbanisme préalable, alors que celle-ci était obligatoire, ou en vertu d’une autorisation d’urbanisme caduque, constituent une infraction pénale[4].

Si à l’occasion d’une visite de contrôle, les services de l’urbanisme constatent l’édification d’une construction sans permis de construire, un procès-verbal d’infraction devra être établi et transmis au Parquet[5].

Après avoir constaté l’infraction, les services de l’urbanisme pourront vous sommer de cesser les travaux grâce à l’édiction d’un arrêté interruptif de travaux.

En outre, cette infraction est passible d’une amende de 2 000 à 6 000 euros par mètre carré créé, voire d’une peine d’emprisonnement en cas de récidive[6].

Enfin, la démolition de votre construction avec remise en état des lieux pourra être prononcée par les juridictions pénales ou civiles[7] : la récente condamnation à la démolition du château Diter[8] (évalué à 57 millions d’euros) rappelle, avec force, les risques encourus par ce type de manœuvres.

Pour éviter cela, vous pouvez solliciter un permis de construire afin de régulariser les travaux déjà exécutés. De la même manière, l’administration peut vous mettre en demeure de procéder à cette régularisation[9].

Toutefois, cela n’est possible qu’à la condition que les travaux et la construction projetés soient conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur[10].

En effet, il sera impossible de régulariser des travaux déjà effectués en sollicitant un permis de construire si cette demande n’a aucune chance d’aboutir : par exemple, la construction d’une maison d’habitation dans une zone inconstructible est irrégularisable[11].

L’instruction de cette demande de permis de construire est effectuée dans les conditions de droit commun, au même titre qu’une demande de permis classique.

Il convient de garder à l’esprit que cette régularisation, si le permis sollicité a posteriori est accordé, vous permet seulement de poursuivre vos travaux de construction, et empêche une éventuelle condamnation à démolir et à remettre en état.

En revanche, la délivrance ultérieure d’une autorisation régulière ne fait pas disparaître l’infraction : la peine d’amende, voire d’emprisonnement en cas de récidive, est toujours encourue[12].

Il est donc toujours préférable de solliciter une autorisation d’urbanisme avant le début des travaux.

VOUS DISPOSEZ D’UN PERMIS DE CONSTRUIRE, MAIS VOTRE CONSTRUCTION S’EN ÉLOIGNE

Le bénéficiaire d’un permis de construire se doit de respecter les prescriptions de ce dernier : l’administration dispose d’un pouvoir de contrôle à ce sujet.

Au même titre que les travaux effectués sans permis de construire, le fait de ne pas respecter les obligations imposées par l’autorisation dont vous êtes titulaire est constitutif d’une infraction pénale.

En effet, la construction en cours doit évidemment être conforme au projet que vous avez soumis à l’administration et respecter les prescriptions imposées, ainsi que la destination prévue[13].

Toutefois, vous pouvez, en cours de construction, vouloir modifier une partie de votre projet et effectuer certaines adaptations : cette attitude est légitime, mais vous place en contradiction avec votre projet initial et, partant, avec le permis de construire qui vous a été accordé.

Pas d’inquiétudes, la régularisation de votre autorisation d’urbanisme est possible au moyen d’un permis de construire modificatif.

De la même manière que précédemment, si vous n’effectuez pas cette régularisation de manière volontaire, l’administration peut vous mettre en demeure de déposer une demande de permis de construire modificatif si cette dernière s’aperçoit, à l’occasion du contrôle des travaux, que votre construction ne respecte pas les prescriptions de l’autorisation qu’elle vous a délivrée[14].

Votre demande de permis modificatif ne pourra être effectuée que si :

  • le permis de construire initial est en cours de validité, c’est-à-dire qu’il ne doit être, ni périmé, ni annulé[15] ;
  • la construction, objet du permis de construire initial, nécessitant la demande de permis modificatif, ne doit pas être achevée[16]. Si la construction est achevée, les modifications sont soumises, selon leur nature, soit à l’octroi d’un nouveau permis de construire, soit d’une déclaration préalable.
  • les modifications apportées à la construction prévue ne doivent pas bouleverser le projet ou en changer la nature[17]. Un changement de façade, une modification des distances en limite séparative, l’ajout d’un étage peuvent faire l’objet d’une demande de permis modificatif selon les spécificités de l’espèce.

Si les modifications sont trop importantes, il sera nécessaire de faire une nouvelle demande de permis de construire.

La demande de permis modificatif doit être effectuée par le biais du formulaire CERFA n°13411*01.

En cas d’issue favorable, le permis modificatif se substitue au permis initial, seulement pour les parties qu’il modifie : le permis initial ne disparaît pas pour autant.

Ce permis doit également être affiché et fait de nouveau courir le délai de recours contentieux pour les prescriptions qu’il contient.

Un permis modificatif de régularisation peut intervenir au cours de l’instance contre le permis de construire initial, soit à l’initiative du pétitionnaire, soit à l’initiative du juge qui sursoit à statuer : ce permis modificatif sera alors soumis au débat contentieux[18]

De la même manière, le juge peut annuler de façon partielle un permis de construire, obligeant ainsi le pétitionnaire à formuler une demande de permis modificatif pour la partie annulée.

En conclusion, il est important de se conformer au permis de construire qui vous a été délivré afin d’éviter de se retrouver en infraction. Toutefois, toute modification de votre construction en cours de travaux n’est pas impossible, sous réserve de la délivrance d’un permis de construire modificatif.

VOS TRAVAUX SONT CONFORMES À VOTRE PERMIS DE CONSTRUIRE, MAIS EN CONTRADICTION AVEC LES RÈGLES D’URBANISME

Dans cette dernière hypothèse, vous bénéficiez d’un permis de construire et votre construction est conforme à l’autorisation qui vous a été délivrée.

Toutefois, vous n’êtes pas à l’abri de tout risque.

En effet, il est possible que le permis qui vous a été délivré l’ait été en méconnaissance des règles du plan local d’urbanisme applicable à votre construction.

Sauf en cas de fraude de votre part, cette hypothèse n’est pas constitutive d’une infraction pénale[19]. Toutefois, votre autorisation d’urbanisme encourt l’annulation devant la juridiction administrative.

En outre, en cas d’annulation de votre permis, vous pouvez être condamné à verser des dommages et intérêts à un voisin à qui vous causez du tort ou, en fonction du lieu de votre projet, votre construction encourt la démolition devant les tribunaux de l’ordre judiciaire[20].

Dans ce cas, et afin, notamment, d’éviter l’annulation de votre autorisation d’urbanisme, il est nécessaire de formaliser une demande de permis modificatif afin de tenter de couvrir les éventuelles irrégularités affectant votre permis initial[21].

Cette demande de permis modificatif répond aux mêmes conditions que celles décrites ci-dessus et, bien entendu, le vice affectant votre permis de construire doit être régularisable.

Dans tous les cas, il peut être opportun, lorsque vous envisagez un projet de construction, de faire procéder, au préalable, à un audit de votre demande de permis de construire afin qu’un professionnel vérifie que ce dernier respecte l’ensemble des dispositions d’urbanisme en vigueur : afin de permettre, ainsi, soit d’éviter un contentieux ultérieur, soit de ménager la possibilité d’une demande de permis modificatif.

Bernard RINEAU, Avocat associé

Quentin PAREE, Avocat

Elorri DALLEMANE, Avocat


[1] Article L. 421-1 du Code de l’urbanisme

[2] R 421-14 du Code de l’urbanisme

[3]Le Code de l’urbanisme prévoit cinq destinations possibles : exploitation agricole et forestière, habitation, commerce et activités de service, équipements d’intérêt collectif et services publics, autres activités des secteurs secondaires et tertiaires

[4] Cass. crim., 21 janvier 2014, pourvoi n° 12-87.933

[5] Article L. 480-1 du Code de l’urbanisme

[6] Article L. 480-4 du Code de l’urbanisme

[7] Article L.480-5 du Code de l’urbanisme

[8] https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/12/10/a-grasse-le-chateau-diter-condamne-definitivement-a-la-demolition_6062921_3224.html

[9] Articles L. 461-4, c et L481-1 à 3 du Code de l’urbanisme et Cass., crim., 8 décembre 2020, pourvoi n°19/84245

[10] CE, 18 juin 1969, Terry, req. n° 72045

[11] Article L.421-3 du code de l’urbanisme

[12] Cass. crim., 18 novembre 2008, pourvoi n° 08-83.542, Cass. crim., 8 sept. 2009, pourvoi n° 09-82.036

[13] Cass. crim., 25 janv. 1995, pourvoi n° 94-81.316

[14] Articles L. 462-2 et R. 462-9 du code de l’urbanisme

[15] CE, 29 décembre 1997, req., n° 104903

[16] CAA Marseille, 1re ch., 21 oct. 2010, req., n° 08MA03350

[17] CE, 2 octobre 2020, req. n°438318

[18] CE, 22 février 2018, SAS Udicité, req., n°389518,

[19] Article L. 610-1 du code de l’urbanisme, Cass. crim., 15 février 1995, pourvoi n° 94-80.739

[20] Article L. 480-13 du code de l’urbanisme

[21] CE, 2 février 2004, req. n° 238315