Voyage annulé en période de coronavirus : un remboursement est toujours possible

La date du 17 mars 2020 marque le début des mesures de confinement en France, et avec elles, les restrictions de déplacement prises en réponse à la pandémie de Covid-19.

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Avant cette date, compte tenu de l’augmentation du nombre de cas en France, plusieurs pays avaient pris des mesures préventives en décidant de fermer leurs frontières aux ressortissants en provenance d’aéroports français.

Pour cette raison, toutes les personnes ayant programmé un voyage, à compter du mois de mars 2020, se sont vues notifier une annulation par leurs prestataires de voyage.

Nombre de ces malchanceux ont fait une demande de remboursement auprès de leur agence de voyage.

Beaucoup de ces demandes ont été refusées, ces dernières préférant, dans de très nombreux cas, proposer un avoir.

En effet, au même titre que l’ensemble de l’économie française, les professionnels du tourisme sont gravement touchés par la crise sanitaire en cours.

En raison des restrictions de déplacements et des mesures de confinement prises en France mais également dans beaucoup d’autres pays, ces opérateurs subissent une baisse drastique des prises de commandes.

Dès lors, pèse sur ces opérateurs un risque fort de tension sur leur trésorerie et par la suite de défaillance. Actuellement, ce sont plus de 7 100 opérateurs de voyages et de séjour immatriculés en France, qui, confrontés à un volume d’annulations d’ampleur jamais égalée et à des prises de commandes quasi nulles, sont en grande difficulté(1).

Les règles applicables en cas d’annulation de voyage en temps normal (I.) ont donc du être adaptées par le gouvernement pour permettre aux professionnels du voyage de faire face à cette crise et ainsi, de s’en relever (II.).

I. Les conséquences de l’annulation d’un voyage en temps « normal »

En dehors de cette période exceptionnelle, les conséquences de l’annulation d’un séjour par le voyagiste, ou le client, sont prévues par le Code du tourisme ou le Code civil en fonction du type de contrat concerné.

Concernant les voyages à forfait(2), l’article L.211-14 II et III du Code de tourisme prévoit que les annulations de voyage par l’agence de voyage ou le voyageur entraînent la résolution du contrat et le remboursement.

En outre, hors exceptions prévues à l’article précité, le versement d’une indemnisation supplémentaire est possible.

De la même manière, dans les circonstances actuelles, les autres contrats portant sur les services de voyages comme l’hébergement, la location de voiture ou tout autre service auraient pu être résolus sur le fondement de la force majeure en vertu de l’article 1218 du Code civil et, ainsi, ouvrir droit à remboursement.

Par conséquent, il existe, en principe, pour le client, un droit au remboursement par le professionnel de tourisme en cas d’annulation du contrat par ce dernier. Ce droit à remboursement peut également être accompagné d’une indemnisation.

Toutefois, la période exceptionnelle que nous sommes en train de vivre a rendu indispensable la mise en place de dispositions dérogatoires.

II. Les conséquences d’une annulation en période de Covid-19

En raison du risque économique pesant sur les entreprises du secteur du voyage, la Commission européenne a publié, le 19 mars dernier, des lignes directrices ouvrant la possibilité pour ces dernières, de proposer au client un avoir.

En France, l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 dite “d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19” a habilité le gouvernement à modifier, dans le respect des droits réciproques, les dispositions applicables aux contrats de vente de voyages et de séjours.

Sur le fondement de cette loi, le 25 mars 2020, le gouvernement a édicté l’ordonnance n°2020-315 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure permettant aux professionnels du tourisme de proposer des avoirs, en lieu et place de l’obligation de remboursement, normalement applicable, afin d’éviter que ces derniers ne se retrouvent en faillite

Quels types de contrats sont concernés ?

  1. Les contrats de vente de voyages et de séjours mentionnés au II et au 2° du III de l’article L. 211-14 du Code du tourisme. Sont concernés ici les voyages à forfait ou les voyages scolaires ou linguistiques
  2. Les contrats portant sur les services mentionnés au 2°, 3° et 4° du I de l’article L. 211-2 du même code, vendus par des personnes physiques ou morales produisant elles-mêmes ces services ou, concernant le 2° et le 4°, vendus par les associations produisant elles-mêmes ces services.

Il s’agit ici, par exemple, de l’hébergement, de la location de voiture ou de tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d’un service de voyage notamment les visites guidées, les excursions, manifestations sportives etc.

Attention, ne sont pas concernés les vols secs, c’est à dire les billets d’avion achetés seuls. Dans ce cas précis, les consommateurs ont le droit de réclamer le remboursement intégral de leur billet annulé par la compagnie en application du règlement européen n°261/20004.

Quelle période est concernée ?

Ces dispositions dérogatoires s’appliquent aux résolutions de contrats notifiées entre le 1er mars et le 15 septembre 2020 inclus.

Cela signifie que si votre séjour a été annulé, avant le 1er mars 2020, vous avez toujours la possibilité de demander un remboursement intégral sous réserve des dispositions spécifiques de votre contrat.

De la même manière, si votre voyage est prévu au-delà de la date limite de confinement actuellement fixée et n’a pas encore été annulé, nous vous conseillons d’attendre et d’être attentif à l’évolution de la situation plutôt que de procéder à l’annulation au risque de payer des frais.

Si vous vous trouvez dans l’une de ces hypothèses, l’ordonnance prévoit que l’organisateur ou le détaillant peut proposer un avoir à la place du remboursement de l’intégralité des paiements effectués.

Quelles conditions doit remplir l’avoir proposé ?

L’avoir proposé doit :

  • prendre la forme d’un courrier ou d’un mail ou, à tout le moins, être présenté sur support durable ;
  • être d’un montant égal à celui de l’intégralité des paiements effectués. Si vous n’avez procédé qu’au paiement d’un acompte, alors un avoir correspondant à l’acompte versé doit vous être proposé ;
  • être proposé dans les 30 jours suivants la notification de la résolution du contrat ou 30 jours après l’entrée en vigueur de l’ordonnance pour les contrats résolus avant. Pour les contrats annulés avant le 26 mars 2020, le voyagiste a jusqu’au 26 avril prochain ;
  • mentionner le montant, les conditions de délai et sa durée de validité

A la suite de l’émission de cet avoir, les professionnels du voyage disposent d’un délai de trois mois à compter de la notification de la résolution du contrat pour proposer une nouvelle prestation.

Quelles conditions doit remplir la ou les nouvelles prestations proposées ?

Cette nouvelle prestation doit répondre aux conditions suivantes :

  • être identique ou équivalente à la prestation prévue par le contrat initial résolu ;
  • être à un prix ne dépassant pas celui de la prestation prévue par le contrat initial, le cas échéant, le voyageur ne sera redevable que du paiement du solde de ce contrat. Si la nouvelle prestation, qui vous intéresse, coûte plus cher ou moins cher que la prestation initiale du contrat résolu, le prix à acquitter tient compte de l’avoir. En cas de prestation de qualité et de prix supérieurs, vous devrez payer une somme complémentaire. A l’inverse, en cas de prestation d’un montant inférieur au montant de l’avoir, vous pourrez conserver le solde de l’avoir qui pourra être utilisable jusqu’au terme de sa période de validité ;
  • ne faire l’objet d’aucune majoration tarifaire non prévue par le contrat initial ;
  • être valable 18 mois.

Lorsque cet avoir est proposé, le client ne peut solliciter le remboursement de ces paiements pendant la période de validité de l’avoir.

Quelles conséquences si aucun contrat n’est conclu ?

Si vous acceptez l’une des nouvelles prestations proposées, un nouveau contrat sera conclu.

Concernant les voyages à forfait, les agences sont obligatoirement couvertes par des organismes de garantie, qui prendront le relais en cas de faillite du professionnel de voyage (cf. article L.211-18 du Code du tourisme).

A l’inverse, il est possible qu’aucune des nouvelles prestations proposées ne vous conviennent, ou tout simplement que vous ne soyez plus en capacité de partir en vacances pour des raisons personnelles.

En effet, vous n’êtes pas dans l’obligation d’accepter une des nouvelles prestations proposées.

Dans ce cas, l’ordonnance prévoit que, si aucun nouveau contrat n’est conclu au terme de la période de 18 mois, les professionnels du voyage doivent procéder au remboursement de l’intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu.

Par conséquent, le remboursement est toujours possible. Toutefois, il faudra patienter jusqu’à la date d’expiration de l’avoir proposé par le professionnel.

(1) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure.

(2) Constitue un voyage à forfaits la combinaison d’au moins deux types différents de services de voyage aux fins du même voyage ou séjour de vacances (transport, hébergement, location de voitures, visites, spectacles, …), dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris.

Quentin PARÉE, Avocat
Elorri DALLEMANE, Avocat